La prestation compensatoire : un rééquilibrage forcé des patrimoines, mais non automatique ?
Publié le :
04/09/2024
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La prestation compensatoire correspond à une somme d’argent versée par un époux à son « futur ex-conjoint ». Elle sert à « compenser la chute de son niveau de vie » qui s’est créée à la suite de leur divorce.
Cette prestation est régie par les articles 270 à 281 du Code civil. Les articles 270 et 271 du Code civil donnent les conditions pour bénéficier d’une prestation compensatoire.
Selon l’article 270 : « Le divorce met fin au devoir de secours entre époux. L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge ».
L’article 271 du Code civil : « La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
À cet effet, le juge prend en considération notamment :
- la durée du mariage ;
- l'âge et l'état de santé des époux ;
- leur qualification et leur situation professionnelles ;
- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
- leurs droits existants et prévisibles ;
- leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa. »
À la lueur de ces articles, il apparaît que la prestation compensatoire n’est pas de droit. En effet, ce n’est pas parce qu’un des deux époux gagne plus d’argent que l’autre qu’il doit obligatoirement verser une prestation compensatoire à l’autre époux. Effectivement, la différence de revenus n’est pas l’élément déterminant, car d’autres facteurs doivent être pris en compte.
La Cour d’appel de Paris le rappelle judicieusement dans un arrêt du 5 juin 2014. Dans cet arrêt, la Cour d’appel a estimé que deux critères devaient être pris en compte pour rejeter la demande de prestation compensatoire :
- La relation adultère régulière de l’un des époux,
- L’absence de recherche d’emploi (le manque de motivation au travail et à gagner plus), corrélée au financement par l’autre époux aux charges du mariage.
La prestation compensatoire n’a pas vocation à gommer toute disparité. Il convient de distinguer la disparité subie du fait du divorce, de celle qui découle des choix des époux. Ainsi, un époux qui choisit de ne pas travailler, ou de peu travailler, sans justifier d’une raison particulière, n’est pas éligible à une quelconque prestation compensatoire.
Aussi, l’époux ne peut pas tout avoir, à savoir d’un côté la liberté de vivre ses amours comme il l’entend et de l’autre la sécurité qui découle du mariage.
Il ne peut pas non plus, d’un côté, bénéficier du courage et du travail de son époux, et de l’autre sans le cadre protecteur du mariage.
Pour reprendre la formule du doyen Carbonnier, la prestation doit opérer :
« comme un recomblement, un rééquilibrage objectif non pas entre deux patrimoines, mais entre deux programmes patrimoniaux d’existence ».
Pour choisir de verser ou non une prestation compensatoire, il doit être pris en compte à la fois les choix de vie des deux époux et leur capital respectif.
Dans un arrêt du 9 octobre 2007, le tribunal de Toulouse a retenu pour refuser tout droit à prestation, l’abandon brutal par la femme de son mari et de sa fille pour s’installer dans le même village avec un autre homme.
La prestation compensatoire n’est pas automatique.
Pour conclure, il convient de reprendre la réflexion d’un éminent juriste, Monsieur le Professeur Philippe Malaurie :
« On peut noter en effet qu’il soit opportun de condamner l’époux « innocent » à entretenir celui qu’il a trompé, abandonné ou maltraité au motif que, objectivement, le divorce révèle une différence de niveau de vie entre les anciens époux. Une telle soupape est nécessaire si l’on veut éviter de débouter les époux du mariage et de la justice ».
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